La vraie vie de...

Certains élèves ont été associés étroitement à ce spectacle dans le cadre de leurs cours de matelotage, ramendage, embarcation, français et d'autres s'y sont préparés en faisant le concours de mots croisés du CDI. Tous auront partagé autour de cette création, que ce soit le 11 février ou le 8 mars.Si certains veulent s'immerger dès maintenant, voici ce que nous en dit l'auteur, François Douan, sur le site de la Compagnie lezardsquibougent.com : 

" Sur le port de Naples, un étranger est à la recherche d’un homme. Pas n’importe lequel. Il a besoin d’un service très spécial – un de ces tours de funambule affrontant des montagnes en équilibre au-dessus du vide, qui exigent autant d’ingéniosité, d’astuce et de témérité que peu de scrupules. L’étranger a sondé marins, débardeurs et aubergistes. La réponse a été unanime : « le vieux ! Allez jusqu’au bout du port et vous le trouverez ! C’est lui qui peut vous arranger ça… s’il en a envie !… ».

Le vieux, le voici. Il répare des filets. Il se nomme Gennaro Costagliola. S’il s’est rabattu sur ce petit métier, c’est pour limiter le contact avec ses congénères, fuir le poids d’une réputation qui lui pèse. Autrefois, on l’appelait Scappino, ou Scapin. On célébrait sa ruse et son talent pour les intrigues – souvent qualifiées de « fourberies ». Mais lui ne veut plus répondre à ce sobriquet. À l’étranger qui le presse, il révèle qu’il n’y a là qu’une légende, enjolivée par son frère Salvatore – qu’on appelait aussi Sylvestre. La version de comédie de ses aventures de jeunesse, où les événements et sa rage de survivre l’ont conduit à travers toute l’Europe en proie aux épidémies, aux guerres et à des mutations économiques jamais vues, fuyant toujours devant lui, de métier en métier, de pays en pays, se tirant des embûches à coups de pirouettes et de subterfuges. Il aura suffit d’une fois de trop pour que la justice – et quelques années de galères – le fassent aspirer à la tranquillité d’une existence réglée et banale. Celle de domestique. C’est pourtant dans cette vie, au travers d’une simple intrigue de mariage qui lui coûtera finalement sa place malgré sa réussite apparente, que naîtra la légende, qu’il essaie en vain de décoller de sa peau.

Pourquoi ? L’insistance de son solliciteur inconnu va peu à peu lui faire confier la blessure que ses refus tentent de cicatriser. Chaque survie, chaque esquive a été payée d’un abandon. Son père, sacrifié à la peste de Naples, lorsqu’il voulait sauver le reste de sa famille. Sa mère, livrée à la vindicte des victimes d’un de ses tours, quand il se réfugiait dans la vie militaire et la guerre. La femme qu’il a aimée, prétexte d’une escroquerie qui l’a conduit aux galères. Salvatore, enfin, son frère adoptif, le compagnon d’enfance, le chantre de l’épopée de Scapin, exposé au péril au moment où lui-même, héros de cette fable, s’est mis à croire à sa vérité, à s’imaginer invincible.

Scapin avait survécu à tous ces abandons, à toutes ces morts. Celle de Salvatore, dans une dernière fourberie, elle aussi fatale, l’a fait périr et disparaître pour toujours. Depuis dix ans, pour ne pas le ressusciter, il est devenu « le vieux », se préservant de tout et de tous. Immobile. Seul. Hanté par l’ombre de ce mythe que l’Europe vient de découvrir : Don Quichotte et ses exploits imaginaires, toujours funestes, grotesques ou catastrophiques. Face au marché que lui propose cet inconnu, face aux dangers qu’il implique, saisira-t-il l’aubaine de retrouver l’ingénuité, la pureté d’âme du chevalier à la triste figure ? Pourra-t-il briser la malédiction qu’il s’est lui-même imposée ? Cesser, au risque de sa vie, d’être encore et toujours celui qui fuit, qui s’échappe ? Vaincre enfin Scapin et faire revivre Gennaro. Jusqu’au bout."